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Un logement temporaire bon marché (Pierre Besse)

Publié le 3 août 2006, mise à jour le 21 mars 2012
par Pierre Besse

Un exemple de logement temporaire bon marché expérimenté par un membre d’ARESO : aussi accessible sur Archilibre


Un logement temporaire bon marché

Ce document décrit deux modèles de logement temporaire, construits dans le cadre d’une installation agricole « hors cadre familial » sur des terres nues, dans la campagne toulousaine, l’un et l’autre dans l’attente de permis de construire et de réalisation d’un logement définitif.

Le premier a été utilisé pendant 18 mois en 1998/1999, par une famille de 5 personnes, le second abrite un couple depuis un an et demi.

Ces deux réalisations reposent sur l’utilisation de la serre-tunnel horticole de 8 à 9 m de largeur et 3,50 m de hauteur au faîtage.

1) Serre plastique+ mobile-home

a) Réalisation

Une serre de 8x15 m (arceaux de fer galvanisé, fils de fer de charpente, feuille de polyéthylène transparent) sous laquelle est engagé à moitié un mobile-home de 25 m2
La feuille de polyéthylène est blanchie d’une bonne couche de blanc d’ombrage avant chaque période estivale.
Un voile de tissus (draps de coton de récupération) est glissé entre les fils de fer et le plastique, il renforce l’ombrage et absorbe l’humidité qui se condense sur la face intérieure du plastique les nuits fraîches. Cette humidité sèche le jour.
Les pignons de la serre sont fermés avec des parois sommaires en ballots de paille. Des châssis grossiers en bois servent de chambranle à deux portes isoplanes de récupération, une sur chacun des pignons de la serre . _ Ces châssis sont indépendants de la structure de la serre qui est souple et doit être autorisée à se déformer avec le vent. Cette déformation élastique peut déterminer un jeu de10 cm des arceaux autour de leur position au repos.

Au sol, des briques plates de terre cuite sont posées à sec sur un lit de sable, et font un carrelage démontable dans la partie « salle à manger ».
Ailleurs, du lino récupéré couvre le sol.

Le logement est raccordé au réseau électrique (compteur professionnel) et au réseau d’adduction d’eau, mais pas au tout à l’égout, le réseau ne s’étendant pas jusqu’au terrain.

b) Equipement


- Une installation électrique sommaire (éclairage, prises).
- Une salle de bain (lavabo, baignoire).
- Un lave-linge.
- Un évier de cuisine, monté à sec sur des parpaings.
- Une gazinière à propane
- Un petit convecteur électrique de 1000 W, pour réchauffer un peu le mobile-home quand il fait froid.

Le petit chauffe-eau à propane a gelé aux premiers froids, la famille s’est contentée d’eau chauffée sur le gaz.

Les eaux grises ont été évacuées vers une tranchée ouverte de 5 m de long sur 30 cm de profondeur, à l’extérieur de la serre, à l’aval.

Une toilette à litière a été installée dans un réduit sommairement aménagé dans un coin de la serre. Le déchet des toilettes a été vidangé à mesure dans un coin inoccupé du terrain.

Le mobile-home a servi de dortoir pour les trois enfants (4, 11 et 12 ans), et l’espace de 120 m2 disponible sous la serre a été cloisonné avec des tissus suspendus aux armatures de la serre, de manière à permettre un minimum d’intimité visuelle pour chacun

c) Utilisation

Le niveau de confort d’un tel logement est évidemment assez limité.
Les écarts thermiques sont très importants, on atteint 30 à 35° le jour en été, et -5° au petit matin l’hiver. Tous les tuyaux de plomberie sont en polyéthylène, et ne craignent pas le gel. Il faut toutefois impérativement fermer la vanne d’arrivée et ouvrir tous les robinets chaque fois que le gel menace. Le mobile-home se révèle à peu près aussi chaud et aussi froid que la serre.
Indispensable : une bonne couette pour chacun.

Défauts mineurs : il y a du mouvement d’air en abondance à l’intérieur dès que le vent se lève, et l’intimité acoustique est à peu près nulle.

En dépit de ces inconvénients, cet habitat se révèle très agréable en demi-saison, en partie en raison de la lumière douce qui filtre par toute la surface du plafond et des murs, en raison aussi de la perception immédiate de l’ambiance extérieure : la pluie, le bruit du vent dans les arbres, le chant des oiseaux.

Outre ses occupants légitimes, on y croise une foule de squatteurs finalement sympathiques : hérisson, mante religieuse, escargots, crapauds, guêpes maçonnes, oiseaux égarés, etc.

d) Risques

Le principal risque spécifique à ce type d’habitat est sans doute la tempête, qui peut arracher le plastique, voire écraser la structure métallique. Les mesures de prévention sont simples : autant que possible, s’installer à l’abri du vent, disposer l’axe de la serre perpendiculairement aux vents dominants, choisir une structure bien contreventée, soigner le montage, notamment la tension des fils de fer de charpente, poser correctement le plastique et bien l’enterrer dans des tranchées de 40 cm de profondeur au moins creusées à 50 cm de distance de la base de la structure, toutes règles bien connues des maraîchers.

En cas d’avis de tempête, évacuer le logement.

Pour le reste, il est assez facile de se prémunir des eaux de ruissellement, et si les fils de fer et le plastique sont bien posés, il n’y aura pas de gouttières, même si un chat perfore la bâche avec ses griffes.


2) Studio ossature bois+paille, sous une serre plastique

a) Réalisation

Sous une serre de 9x8 m, on pose un plancher de volige (7x6 m) sur un lot de palettes homogènes étalées sur une feuille de plastique. Sur ce plancher est montée une ossature bois légère comprenant une cinquantaine de poteaux verticaux (210x6x6 cm), un gros poteau central, deux poutres et une vingtaine de solives (12x4 cm). Les poteaux sont répartis sur deux périmètres, l’un au bord du plancher, l’autre cinquante cm en retrait, vers l’intérieur. Entre ces deux rangs de poteaux, on empile les ballots de paille en laissant une porte et deux fenêtres (menuiseries de récupération).

Les solives portent un plafond de volige sur lequel sont disposés deux ou trois couches de carton et par-dessus des ballots de paille. Une fois déduite la surface occupée par les parois, il reste environ 30 m2 habitables à l’intérieur des murs, plus 2 « couloirs » de 1,50 m de largeur entre le plastique de la serre et les murs.

Les murs de paille sont enduits de terre sur les deux faces, l’enduit intérieur est très épais (6 cm environ), ce qui procure un peu d’inertie thermique au logement.

L’axe de la serre est orienté Nord-Sud. Le pignon sud porte deux grandes fenêtres, alors qu’au nord, la serre tout entière est fermée d’une paroi supplémentaire sommairement élevée en ballots de paille.

Le logement est raccordé au réseau électrique (compteur professionnel). Il est pourvu en eau par une pompe électrique montée sur un puits à proximité, l’eau de boisson et cuisine étant achetée en bouteilles. Il n’est pas raccordé au tout à l’égout.

b) Equipement

- Eclairage électrique, prises.
- Un évier et un bac à douche, avec un petit drain couvert pour les eaux grises.
- Une gazinière à propane
- Un poêle à bois
- Une toilette à litière

c) Utilisation

Le plancher et le plafond ont été réalisés avec de la volige encore humide. En séchant, elle a laissé des joints ouverts de sorte que la ventilation de la pièce est importante. Comme d’autre part l’inertie thermique est assez faible, il faut chauffer régulièrement en hiver.

En été, la serre est passée au blanc d’ombrage et la façade sud est protégée par une pergola, ce qui suffit à assurer une température inférieure à 25° dans le studio.

En période froide, la condensation abondante qui se produit la nuit sous la feuille de plastique retombe en pluie sur la paille du plafond, qu’elle finit par mouiller en profondeur. Il est prudent de prévoir un moyen d’absorber ou d’évacuer cette humidité : voile de tissus posé sous le plastique, ou autre.

d) Risques

Outre la tempête, il faut prévenir ici le risque d’incendie. Les parois en paille bien enduites sont ininflammables. Il faut disposer le poêle sur une sole minérale incombustible, et soigner la sortie du conduit de fumées.
Dans ce logement comme dans le précédent, le sentiment de faire du provisoire ne doit pas amener à négliger la sécurité. Pour l’installation électrique, on négligera volontiers les normes qui imposent des équipements inutiles (prise en 32 ampères sur un circuit propre pour un four électrique, par exemple), mais certainement pas celles qui ont trait à la sécurité (disjoncteurs, prise de terre, etc.).

3) Discussion

Le principal intérêt de ces logements tient à leur très faible coût, à la rapidité et à la simplicité de leur construction. L’investissement minime consenti au départ est à peu près intégralement récupérable au terme de leur utilisation, par réutilisation ou revente des éléments.

Dans le premier modèle, le mobile-home peut être remplacé par une caravane, moins chère et beaucoup plus facile à transporter. Ce type d’habitat est à réserver aux climats doux, et à installer si possible en site ombragé. Son usage ne peut être que très temporaire, encore qu’on rencontre en bord de mer des gens qui vivent à l’année en mobile-home, et que les gitans passent toute leur vie en caravane.

Le second (studio paille sous serre plastique) est beaucoup mieux tempéré, il est chauffable, il peut s’accommoder des climats les plus rudes. Le plancher bois n’est pas indispensable, un sol de terre battue éventuellement stabilisée à la chaux, ou bien un dallage de terre cuite posé à sec auraient le mérite de conférer une inertie thermique bienvenue en hiver autant qu’en été. Tel que décrit ci-dessus, ce logement ne comporte qu’une pièce, mais rien n’empêche de lui adjoindre une longueur de serre supplémentaire utilisée comme dans le premier modèle, la pièce bâtie servant de refuge en cas d’excès de chaud ou de froid, et de protection contre le gel pour les équipements hydrauliques (évier, douche).

En usage horticole, les bâches en polyéthylène traité anti-UV perdent leur propriétés optiques au fil du temps et doivent être remplacées tous les 4 à 5 ans, mais leur résistance mécanique se maintient beaucoup plus longtemps, sans doute plus de dix ans.

En cas de non-raccordement au réseau d’eau potable, on peut recourir momentanément à l’eau minérale en bouteille, ce que font quantité de gens raccordés mais insatisfaits de la qualité de l’eau du réseau, ou encore à de l’eau de puits ou de pluie filtrée convenablement.

La gestion des excréments humains par le moyen de toilettes à compost (toilettes à litière ou toilettes à compostage interne) est une chose à la fois simple, sûre et très bon marché, et c’est aussi le cas du traitement des eaux grises (relativement peu abondantes dans ce type d’habitat), par lit d’infiltration ou filtre planté.

Sauf cas particulier, le souci de préserver le paysage n’est pas un obstacle à l’installation de serres horticoles dans un but de production, il n’y a pas de raison qu’on nous oppose cet argument quand il s’agit de loger des personnes sur le lieu de leur travail, d’autant que ces bâtiments bas sont assez facile à estomper avec des ballots de paille ou des plantes grimpantes.

Pierre Besse le 06/01/05


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