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Non-consommation de quoi ?

Publié le 30 août 2006, mise à jour le 25 novembre 2008
par Pierre Besse

Une société de non-consommateurs, disions nous. Nous sommes de plus en plus nombreux à partager cette idée, je pense que c’est le paradigme ou principe philosophique et politique majeur pour les temps qui viennent. Pour moi c’est pas tant de non-consommation qu’il s’agit, que de définir ce à quoi la nature nous donne droit (du pain, du lait, du miel, du bois, etc.), sans compromettre l’avenir, et ce à quoi la justice nous donne droit, c’est à dire quelle est notre part si nous respectons nos frères vivants et à naître.

Si on admet le premier de ces impératifs, on doit renoncer à l’artifice, dont le résultat est toujours une insulte à la terre et un amoindrissement de sa fécondité. J’entends par artifice tout ce par quoi l’homme soustrait les objets naturels aux places et aux cycles que la nature leur assigne. C’est d’autant plus difficile que l’artifice est le coeur de l’identité humaine, l’homme étant un singe bricoleur devenu savant, homo faber puis homo sapiens.
On a donc droit à ce que le milieu naturel offre spontanément, quitte à jouer avec la vie pour orienter ou augmenter notre allocation. Ainsi pouvons nous certainement remplacer une partie de la forêt de chêne originelle par la châtaigneraie, beaucoup plus nourricière pour nous, ou traire la vache en même temps que le veau, et longtemps après son sevrage, ou encore prélever dans la ruche jusqu’aux quatre cinquièmes des réserves accumulées pendant la saison.
Ainsi pouvons nous semer du blé ou des fèves là où poussaient le bois ou la prairie, pour autant qu’on n’inflige pas à la terre de blessure ou de destruction pouvant amoindrir sa fertilité.

On objectera que si la nature de l’homme est de se livrer à l’artifice, la distinction entre nature et artifice s’évanouit, mais ce raisonnement spécieux ne m’empêche pas d’estimer que cette frontière est assez facile à tracer, la vraie question étant de savoir quel degré de rigueur on s’impose dans l’application de ce principe.

Si on admet le second principe, il faut déterminer la part de chacun et organiser le partage. Comme ce que la nature offre ne s’obtient tout de même pas sans travail, je crois juste et prudent de revendiquer pour chacun un accès aux ressources naturelles (terre, eau, semences...) plutôt qu’une quantité de produit fini. Etre né m’autorise à demander mon lopin, pour y faire pousser mes 1 500 calories quotidiennes et celles des miens, y bâtir mon logement, par contre je ne vois pas au nom de quoi ni auprès de qui exiger un emploi, un salaire, une quelconque allocation financière.

Il y a deux sortes d’hommes sur Terre : d’une part des chasseurs-cueilleurs et des éleveurs nomades, libres, de l’autre des paysans soumis à un état. S’étant laisser doubler par défaut de contrôle de leur démographie, ou ayant subi un cataclysme (invasion, désertification, .), les hommes déchoient de la première classe dans la seconde, avec son administration, ses lois, ses impôts. Quelle que soit l’évolution ultérieure des sociétés, ces hommes restent des paysans, dont toute l’alimentation découle de travail paysan, même si la plupart sont délégués à d’autres tâches, conduire le bus, compter des sous, faire l’artiste, etc. Le retour en arrière vers le statut de chasseur-cueilleur libre peut survenir, suite à l’effondrement d’une civilisation, mais reste exceptionnel.

Il n’y a pas de chômeur sur Terre, il n’y a que des paysans sans terre, qu’ils en aient conscience ou non.

Pierre Besse, février 2005


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