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Trois millions de mal-logés

Publié le 5 septembre 2006, mise à jour le 25 novembre 2008
par Catherine Reymonet, Pierre Besse

«  Plus de trois millions de personnes sont logées de façon précaire et 5,7 millions d’autres risquent de les y rejoindre à court ou moyen terme, indique le 10e rapport sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre (disponible gratuitement sur demande). La fondation salue le volontarisme du plan Borloo mais déplore des contradictions dans sa mise en œuvre et la faiblesse des moyens alloués... Des mesures plus médiatiques qu’efficaces, compte tenu du déficit de construction.  » (Lettre de l’Observatoire des inégalités n°18, mars 2005, Trois millions de mal-logés )

Oui, ben, qu’est ce qu’on fait avec cette info ? On réclame au ministre un peu plus de fric pour faire des HLM en béton polystyrène et y ranger des chômeurs ? On réclame le doublement de l’alloc logement pour que les pauvres puissent contribuer eux aussi à la flambée de l’immobilier ? Les seuls vrais bénéficiaires des politiques publiques du « logement » sont les filières financières et industrielles du bâtiment (fût-il HQE) et de la spéculation immobilière.

La surface couverte et chauffée par habitant est énorme, peut-être dix fois supérieure à ce qu’elle était il y a un siècle. Il y avait peut-être une vingtaine de clochards à Toulouse, on nous dit qu’il y a aujourd’hui au moins 3000 sdf dans cette ville. Y a-t-il stagnation de la construction ? Il faudrait vraiment nous prendre pour des c..s pour essayer de nous faire croire ça, on ne voit que des vieux petits immeubles remplacés par d’énormes logements collectifs, que du lotissement neuf à longueur de campagne, que des chantiers.

Le problème n’est pas qu’on manque de logements, il y en a largement de reste. Il y a au moins une vingtaine de chaises et de fenêtres pour chacun, à la maison, au bureau, à l’hôtel, à la mer, à la montagne, au Maroc, etc.

Le problème c’est ça : d’un côté le système construit énormément, mais dans le seul but de rémunérer le capital investi dans la filière (et dans les filières qui vont avec, l’énergie en particulier). On construit pour les dollars, et pas pour les gens. De l’autre, les pauvres ne savent revendiquer qu’un peu d’argent. Je ne suis pas pour supprimer les allocs, mais je dis que saupoudrer du pognon sur la misère ne sert qu’à la faire durer.

La première revendication pour sortir de là est double, c’est :

- L’accès à un minimum de ressources naturelles pour chacun, à tout moment de la vie où cette revendication vient à s’exprimer. La première de ces ressources, c’est un peu de terre, pour la couverture de besoins alimentaires de base et pour édifier soi-même son logement le cas échéant.

- La possibilité de s’intégrer dans le système économique en faisant valoir sa propre capacité de travail et sa part de ressources naturelles, ce qui veut dire au premier chef par la production agricole individuelle à toute petite échelle, ou par du travail artisanal.

Chacun sa part de ressources (terre, eau, etc), chacun sa part de marché. Donc une politique économique fondamentalement protectionniste, qui autorise l’activité économique naturelle et bien répartie (dans l’espace et dans la société), et qui taxe ou interdit l’activité antinaturelle, destructrice de la nature, de l’autonomie individuelle et de l’équité sociale.

Nous nous voulons écobâtisseurs, nous devons reconnaître que le bâtiment écologique par excellence est celui qu’on n’a pas besoin de bâtir. Le suivant dans l’ordre de dignité est celui qui répond pendant très longtemps à des besoins essentiels, dont la construction et le fonctionnement s’intègrent dans une économie naturelle et dans une société fraternelle.

On construit aujourd’hui à gogo, à tort et à travers, partout. Réclamer un peu plus de béton, un peu plus vite, alimenter la frénésie urbanistique ne me convient pas.

Pierre Besse (avec la complicité de Catherine Reymonet)


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