Des questions qui reviennent souvent sur les isolants, pour toits ou murs : chanvre, laine de mouton, ouate de cellulose, feutre... ? Meilleur rapport qualité/prix, résistance aux rongeurs, à l’humidité, à la canicule, possibilité en auto-construction... ?
Alain Marcom : Ce qui serai bien ce serait quelqu’un-e qui fait un petit travail de comparatif avec coût matière, travail, taxe carbone, etc...
Pierre Besse : Ce qui serait bien aussi, c’est quelqu’un-e qui pourrait répondre à la question : comment assurer un minimum de confort d’été dans un espace habité immédiatement sous rampant ? La surchauffe en période de canicule est-elle une fatalité ? Les isolants minces sont ils efficaces sous cet aspect-là ? Gagne-t-on vraiment en confort en forçant sur l’épaisseur de l’isolant ? Y a t-il des différences sensibles de performance entre les isolants naturels sous cet aspect-là ? Et aussi à cette autre question : peut-on utiliser la paille pour isoler un toit par dessous, sans découvrir ?
Xavier Méric : La technique de mise œuvre n’est parfois pas plus compliquée pour d’autres isolants non référencés, hors normes, et le coût peut être nettement inférieur voire négligeable. Il y a un isolant que j’aime bien mettre en avant :
Copeaux de bois, qu’on pourrait par exemple classer dans les "co-produits de la transformation du bois". Le copeau nécessite un petit tassement pour rendre l’isolation homogène dans des parois étroites, mettons inférieures à 15 cm de vide à remplir. La granulométrie est variable mais on retrouve pour ces coproduits de menuiseries, de rabotteries ou de scieries qui rabotent un certain standard.
Dans un isolant acoustique on estime le tassement équivalent à 1/2, c’est à dire qu’on va diminuer le volume de moitié en tassant à partir du volume déversé. Pour un isolant thermique il faut bien sûr tasser le moins possible. On peut raisonnablement estimer le tassement à 1/3, ce qui donne le volume de copeaux à prévoir. Concernant un isolant vrac, de toute façon il faut pare-pluie et pare-(ou freine)vapeur.
Rongeurs : Peu d’isolants résistent aux rongeurs, laines minérales, polystyrène, etc. Mais le liège expansé oui, en principe. Son défaut : le prix. Donc on n’est pas à l’abri de voir nicher des rongeurs dans les copeaux, comme les loirs par exemple. Ceci dit, il n’y a rien à manger et ça a peu de tenue pour faire un nid.
Xylophages : Concernant les xylophages, le copeau n’est pas intéressant pour eux car les larves n’ont pas la masse de bois nécessaire pour se développer. Il peut sans doute se développer des ravageurs de l’espèce bostryche, mais globalement il y a peu d’intérêt à s’attaquer à du copeau, y compris pour le termite. Une solution pour éviter totalement les risques de parasites : sel de bore ou chaux en vrac (sèche) au moment de la mise en œuvre.
Essences de bois : La présence ou non de bois exotique est un choix personnel. Réutiliser un « déchet » n’est pas vraiment une excuse. Dans le schéma de production, ce détail n’en est pas un, au regard des responsabilités face à une éthique d’entreprise. Donc je suis pour éviter le plus possible les ressources qui incluent du bois exotique, ou du bois importé de Scandinavie. L’idéal bien sûr, mais là on est sur de l’utopie, serait d’avoir du copeau de classe de résistance 4 ou 3 en quantité importante. Mélèze, robinier, châtaignier, chêne, douglas, cyprès (rarement référencé, synthèse d’expériences longues), voire des séries de pins : pin sylvestre, pin maritime.
Nota : le mélèze devait passer en classe 4 avec robinier et chêne blanc et châtaignier. Une chose importante : pour répondre à ces classes de résistance la partie du bois raboté ne dois pas comporter d’aubier, duramen seulement. Santé : Il est impératif de mettre en œuvre le copeau avec un masque anti-poussière, particulièrement en isolation caisson par dessous (avec un genre de pelle en carton ou de pelle à neige sans le manche).
Coût : Dans certaines entreprises, on est habitué à vendre le copeau destiné à du déchet (litières pour animaux, nettoyage industriel, ou pour des usages ménagers). Les bennes sont souvent sous le cyclone d’aspiration et sont évacuées directement en camion. Bien souvent, à la campagne, les copeaux sont brûlés alors que c’est formellement interdit par la loi. Cette démarche est d’autant plus ridicule que c’est une ressource agricole très intéressante, moins que du Bois Raméal Fragmenté par exemple, mais issu de transformation de toute façon, et que la combustion est plus polluante que le compostage, lui même plus polluant que le BRF. Donc il ne faut pas payer le copeau si c’est une dépense évitée pour l’entreprise, mais le transport, le moins énergivore possible. Évidemment on peut charger soi-même dans des sacs, mais attention de les prendre rigides (sinon il faut une personne qui tienne le sac ouvert) et résistants. Les sacs de chanvre vrac sont parfaits. Dans certains cas l’entreprise peut vous donner des sacs déjà remplis aux sorties d’aspiration...
Main d’œuvre : Comme tous les isolants « alternatifs » (pour l’instant !) et en vrac, la main d’œuvre est plus importante que dans du conventionnel mécanisé. Mais dans certains cas elle est très rapide, par exemple pour des cloisons remplies par dessus. Dans le cas de cloisons ou de murs déjà couverts en haut (plafond...) montés avec des caissons de voliges, il faudra remplir progressivement. C’est le cas de la sous-toiture. Je n’ai pas de métré de cette mise en œuvre, qui est de toute façon très variable selon hauteur des chevrons ou rajout de fourrure (sur-chevron) ou pente, étage, etc. On va arrêter là pour l’instant...
Patrick Charmeau : La meilleur stratégie face aux rongeurs reste d’éviter au maximum leur pénétration : toute paroi périphérique doit être épaisse et plutôt dure (enduit de chaux d’au moins 2 cm, planche de bois massif d’au moins 4 cm d’épaisseur et bien ajustée) et les pieds des murs extérieurs de la maison doivent rester dégagés (pas de stockage de planches et matériels divers contre les murs, qui favorise la tranquillité des « mineurs »)
Karine Barrère : Je suis en train d’isoler à base de copeaux des murs (thermique) et un plancher (phonique). Dans le premier cas j’ai fait un mélange copeaux/chaux aérienne et dans l’autre copeaux/sable/chaux aérienne, mais mouillé. Dans les deux cas, j’ai quelques problèmes à résoudre liés à l’humidité du mélange. J’étais donc très intéressée quand Xavier Méric a parlé de d’ajouter de la chaux sèche. Mes questions : si la chaux sèche joue bien son rôle par rapport aux insectes, est-ce que le fait de réaliser un mélange avec de l’eau (et donc une prise type mortier) n’assure pas une meilleure tenue (au tassement) dans le temps ? Et si la réponse est non, quelle est la chaux à utiliser sèche et dans quelle proportion ?
X.M. : La contradiction principale vient du fait que d’ajouter un liant à un isolant vrac diminue son pouvoir isolant. Les bétons d’isolants ont de meilleures tenues, résistances, etc., mais je les réserve pour les parties qui jouent un rôle mécanique.
Ensuite la chaux répandue en vrac, ce n’est que des retours d’expériences que j’ai collectés, pas de précision sur la quantité, mais aérienne en principe. Ce n’est pas un « traitement » durable. Je n’ai pas encore de chiffres du genre capacité thermique mais si l’épaisseur le permet, on peut envisager de laisser tomber le déphasage d’été. En lambda on peut raisonnablement estimer un 0,05, comparable au chanvre qui contient plus de silice et donc moins de matière résistante...
Phonique : l’isolement acoustique est de deux ordres, aérien et solidien. Si tu isoles avec du copeau, tu ne remplis pas ces fonctions. La seule utilisation que tu pourrais en faire serait pour dissocier les partie de plancher en contact entre elles, les bruit solidiens. Mais il vaut mieux un isolant genre panneau, liège, etc. plus facile à gérer. Donc tu peux supprimer le copeau du sol. Pour ce qui est de l’humidité c’est autre chose. On va rester sur l’isolation et l’isolement.
P.C. : Tout à fait d’accord avec Xavier pour la diminution du lambda d’un isolant « enduit » de quelque liant que ce soit (terre, chaux, plâtre...).
Mon expérience d’isolation en vrac :
Dans les murs : A l’aide d’une bétonnière, mélange moitié-moitié à sec, de copeaux de châtaignier (plutôt petits, taille maxi 10 mm de longueur) avec du rafle de maïs broyé de provenance industrielle (Safac à Réalmont dans le Tarn) et de calibre 4-10 mm, voir photo . L’avantage est la quasi non-compressibilité du rafle de maïs. D’où un bon tassement manuel au moment de la mise en place. Et un tassement très réduit (3cm) ds le mur (vérif ultérieure) sur une hauteur de mur de 2,8 m pour une épaisseur d’isolant de 15 cm.
Dans un plancher entre rdc et étage, du bas vers le haut : lambris en sous face, papier kraft continu (soin porté aux jonctions), 3 cm de terre sèche tamisée, 7 cm de copeaux avec saupoudrage léger de chaux aérienne au final avant la pose d’un parquet cloué au dessus. Résultat : très bon amortissement phonique des bruits aériens, le montage du parquet n’ayant pu être désolidarisé de la structure porteuse, les bruits solidiens sont transmis en partie malgré le clouage à travers des bandes de liège de 4 mm (entre parquet et solives).
Dans la toiture, du bas vers le haut : des panneaux de feutre de bois dessous (plafond enduit en sous face avec de la terre), une lame d’air (épaisseur d’un liteau, support du film perspirant), un film perspirant (double papier ciré) et armé (quadrillage 1 cm x 1 cm de fil plastique fort), 35 cm de chènevotte chargée par dessous sur une structure horizontale suspendue à la charpente,
des panneaux de feutre de bois dessus, des tuiles posées sur liteaux et contre liteaux qui augmentent l’espace de ventilation sous-tuiles.
Malgré tout cela la chaleur passe quand même un peu en plein été côté sud... Par manque de ventilation sous tuiles je pense, il me faudrait augmenter le nombre de tuiles chatières, mais fort coûteuses !
D’autres témoignages ?