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Béton, retour à la terre et capitalisme

Publié le 3 novembre 2020

Dans le numéro 17 de la revue Terrestres, datée du 2 novembre de cette année, une enquête de Aldo Poste, "Le retour à la Terre des bétonneurs", a attiré notre attention. L’occasion de faire le point sur béton vert ou béton bas carbone, la terre crue, et le rapport avec le capitalisme...

Aldo Poste n’y va pas par 4 chemins dans la relation de son enquête (cliquez sur le lien et/ou téléchargez le pdf en pied de cet article, 30 900 signes, 26 minutes de lecture prévue).

pueblo

Érudite en termes d’histoire comme des pratiques et de la géographie de la terre crue et du ciment, elle égratigne certains promoteurs historiques et institutionnalisés de la terre crue dans le bâtiment (tout en reconnaissant l’apport important de leurs travaux sur la renaissance de la terre crue dans la construction), raisonnant plus comme des ingénieurs que comme des artisans. Il décrit ainsi les visions distinctes de l’artisan et de l’ingénieur : "Alors que pour le premier la connaissance du matériau est sensible et immanente à la pratique, cherchant « à comprendre ce qu’une matière peut faire en allant à son contact », le second « vise à savoir ce qu’elle est en la mettant à distance »". En participant à l’entreprise de normalisation de la terre, ils se dévoyant en acceptant la "stabilisation de la terre par le ciment".

Après avoir longuement décrit le processus actuel de récupération du matériau terre par l’industrie (et plus particulièrement par Lafarge), citant Ivan Illich et André Gorz, ainsi que le membre d’ARESO Alain Marcom (pour un article paru dans le numéro 62 de la revue Nature & Découverte en 2007), Aldo Poste finit en alertant sur la dérive que pourrait subir la terre crue, à l’instar de l’alimentation biologique de la part des industries agroalimentaires et de la grande distribution :

"La terre, donc, n’est pas une. Il y a les terres des architectures sans architectes du monde entier et la terre des architectures-sans-architectes-avec-architectes métropolitains et prix Pritzker. Il y a la terre qui sert a bâtir un hameau de lutte contre l’implantation d’un mégatransformateur sur des terres agricoles du Sud-Aveyron par RTE, et la terre qui sert à bâtir un transformateur parisien à cette même entreprise. Il y a des terres qui érigent des mondes communs, et la terre transformée en nouvelle « ressource productive » de ceux qui ont rendu le monde inhabitable. Il y a la terre de celles et ceux qui savent qu’il y a des terres, singulières, prises dans des milieux singuliers, et la terre de ceux qui voudraient nous vendre de la terre. La terre, donc, est un champ de bataille."

ciment vert

Notons que le béton (qu’il soit dit écologique ou non) subit une attaque en règle ce dernier mois, puisque le reportage de France 2 à 20h le 8 octobre dernier ("Le ciment bas carbone est-il réellement écologique ?") démonte le béton bas carbone, citant en particulier "Bruno Paul-Dauphin, directeur de l’offre béton bas carbone de Vinci construction, qui préfère regarder l’étiquetage écologique de ses matériaux : "Pour nous ce qui est important, c’est qu’au niveau du béton, les fiches de données environnementales et sanitaires indiquent une information bas carbone, c’est ce que l’on prend en compte." Et qui donc a produit ces fiches, dites FDES ?

beton-capitalismeEnfin, à paraître le 6 novembre, le nouveau livre d’Anselm Jappe (Béton Arme de construction massive du capitalisme aux éditions L’échappée, 14 €), très complémentaire de l’article de Aldo Poste, démontre les liens étroits entre le béton (de ciment, précisons, car il oublie de le faire dans la présentation de son ouvrage et dans l’entretien que lui consacre le journal La Décroissance ce mois-ci) et le capitalisme : "Le béton incarne la logique capitaliste. Il est le côté concret de l’abstraction marchande."

Bonnes lectures


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Le retour a la terre des betonneurs
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