Ça n’a pas été très facile, parce que la terre colle à la bétonnière, à la brouette, à la truelle, à la règle, à la taloche... Et encore, c’est une terre pauvre en argile, et donc peu collante, avec une terre argileuse c’est impossible de travailler comme ça, on ne peut que mouiller et fouler au pied la terre sur place, puis la laisser sécher.
Sur ce sujet, on lit une très belle page dans le livre de Pierre-Jakèz Hélias « Le cheval d’orgueil », où il décrit comment les Bretons refaisaient périodiquement l’argile à crapaud de leurs chaumières : on invitait une vingtaine de voisins, on embauchait une cornemuse et un sonneur de bombarde, et on dansait toute la journée dans la boue. Après près d’un an de séchage (oui, un an), j’ai rebouché avec de la barbotine bien liquide des fentes de retrait de 3 cm de large. Ces fentes délimitent des blocs de forme polygonale, de 30 cm de diamètre environ, qui sont devenus très durs et compacts en séchant. Ils donnent au sol fini l’aspect d’un pavement en pierres plates, ce qu’on appelle ici la pierre du Lot.
J’ai laissé sécher un mois de plus, puis j’ai passé de l’huile de lin crue, à froid, j’en ai mis 5 litres sur 12 m2, en 4 ou 5 passages à quelques heures d’intervalle. J’ai laissé sécher l’huile un mois, puis j’ai appliqué - à chaud - de la cire d’abeille diluée à la térébenthine pure gemme (1/3 de cire, 2/3 de térébenthine). Il m’a fallu 300 g de cire seulement. J’ai laissé durcir la cire une semaine, et j’ai passé un ultime coup de brosse en plastique pour la faire briller.
Après quoi ma femme et moi avons ENFIN pu aménager notre chambre et même y dormir !
Cette chambre est en service depuis deux ans et demi, on se contente d’un coup de balai de temps en temps comme entretien. Le sol nous va très bien, il a la couleur de la terre en plus foncé, à cause de l’huile. Il brille légèrement, il ne dégage aucune poussière, il est moins froid sous le pied que le carrelage.
Notre chambre n’étant ni un couloir, ni une cuisine, ni une salle de bain, ce sol en terre battu suffit parfaitement. A ce qu’on a entendu dire, un léger coup de serpillière de temps en temps régulariserait le taux d’humidité et lui ferait du bien. Une visiteuse Thaïlandaise nous a expliqué que sa mère donnait tous les jours un coup de serpillière, et qu’elle éparpillait ensuite une pincée de sel sur le sol, qui restait toujours dur et brillant.
Je n’en sais guère plus.
La terre de chez moi s’appelle de la boulbène, elle est constituée de sables fins et de limons, et contient moins de 15% d’argile, ce qui en fait à mes yeux une excellente terre à bâtir, particulièrement pour des sols en terre crue.
Pierre Besse le 11/05/05
Pour en savoir plus sur les planchers en terre battue, voir le document "Dalles et planchers de terre" de Athena et Bill Steen, publié par The Canelo Project http://www.caneloproject.com